Projet en Egypte, Paolo Verzone

Portrait d'un photographe : Paolo Verzone

Publié le 23 septembre 2025 par MPB

Né à Turin en 1967, le photographe Paolo Verzone est membre de l'Agence VU. Alors qu'il vit entre l'Italie, l’Espagne et la France, il photographie le monde qui l'entoure avec rigueur, professionnalisme mais surtout avec passion depuis plus de 30 ans.

Paolo Verzone a cette aisance peu commune qui lui a toujours et permet encore de jongler entre mission d’information et projets à long termes comme il peut jongler du noir et blanc à la couleur. Un travail ayant d'ailleurs été récompensé à de multiples reprises lors de compétitions telles que le World Press Photo en 2000, 2009 et 2015.

L'’équipe de MPB a pu discuter avec lui le temps d'un entretien dans lequel il revient sur les étapes de son parcours, dévoile quelques-uns de ses secrets techniques et évoque ses futurs projets.

Projet "les Européens à la plage" par Paolo Verzone

See-europeans project (1994 / 2002)

MPB: Commençons par le début avec une question très ouverte mais cruciale, qu'est-ce qui t'a amené à la photographie ?

PV: J’ai grandi dans le milieu de la photo avec une mère photographe. À 11 ans, je l’aidais à développer les films dans la chambre noire. À l’école, j’étais le seul de mes camarades à savoir manier les appareils photo. Cela m'amusait de prendre les copains en photo et de développer les films ensuite. La photographie a toujours fait partie de mon quotidien.

À tout juste 18 ans, j’ai obtenu ma première commande : le portrait d’un couple d’écrivains de Turin, un couple très connu en Italie. Ce fut le début de ma carrière en tant que photographe. C’est sans doute à ce moment là que je me suis dit que je pouvais en faire mon métier. Devenir photographe c’était une manière de faire ce que j’aimais, c’était la possibilité de gagner ma vie tout en continuant à m'amuser. Les commandes se sont ensuite enchaînées. De mes 19 à 23 ans, j'ai accepté des commandes pour les éditions locales puis pour les plus grands journaux d’Italie tels que la Stampa. C’était aussi l’époque où je faisais des commandes pour le Patrimoine. J’ai toujours travaillé en commande pour pouvoir financer mes projets à longs termes.

Egypte, National Geographic

Egypte, pour National Geographic, Paolo Verzone

MPB: Comment décrirais-tu le genre de ta photographie ? 

PV: En tant que photographe, on peut dire que je suis portraitiste et documentaliste. Photographier l’humain, c’est ce que j’aime. C'est une "espèce intéressante". L’humain a toujours été au cœur de mes photos.

MPB: Y a t-il un moment ou un projet particulier qui marqué le début de ta carrière en tant que photographe ?

PV: Bien sûr, au mois d'août 91,  je suis parti avec un copain à Moscou, en Russie pour réaliser une série de portraits des gens de la ville en cette période particulière (c’était juste après le coup d'Etat de Gorbatchev). En 1992, j'ai exposé mon travail à Arles. Je pense que c’est ce qui a lancé ma carrière de photographe. Les commandes pour les agences italiennes ont démarré, comme par exemple pour Grazia y Neri, agence  basée à Milan qui avait pour partenaire, l’Agence VU à Paris, agence que j'ai intégré à l’âge de 27 ans. J'ai ensuite commencé à travailler pour la presse française et internationale. C'est avec l’Agence Vu, que j'ai commencé un travail intensif pour la presse française : le Monde, Libération..

MPB: Une vie à photographier donc... Quels sont les différents projets qui ont marqué ton parcours de photographe ?

PV: Le premier grand projet, fut MOSCOU - chapitre 91 - Moscow Project (1991 / 2011), réalisé en collaboration avec Alessandro Albert. La somme des personnes photographiées reflète la multiplicité et la singularité de chaque individu. J’ai documenté Moscou tous les 10 ans et ce pendant 30 ans : en 2001, 2011 et 2021. Le deuxième projet s'intitue "les Européens à la plage" (Seeuropeans (1994 / 2002)). Cette idée de projet m’est venue alors que j’étais à la plage en Italie. Je me suis dit que cela pouvait être intéressant de documenter ce fait culturel commun à plusieurs pays.  J’ai ensuite commencé le travail sur les académies militaires de 2007 à 2014. J’ai photographié 20 académies différentes dans 16 pays, les cadets des principales académies militaires européennes. Ce projet avait pour but de cartographier l'Europe contemporaine à travers une partie de sa jeunesse, tout en questionnant l'identité européenne.

En 2018, j’ai commencé un long travail auprès de National Geographic. Selon moi, la seule façon de faire fonctionner le métier c’est de réussir à lier les commandes avec les projets personnels. Le meilleur conseil est de savoir garder une ligne directrice. J’ai un futur projet qui arrive avec National Geographic, je vais suivre de près la prochaine mission avec la préparation de l'équipage. C’était un rêve d'enfant de devenir astronaute.

MPB: Plus haut, tu disais te décrire en tant que portraitiste - documentaliste. Comment on en vient à faire ce type de photographie ?

PV: J’adore le portrait, pour moi c’est un dialogue à la fois verbal et psychologique. Il y a tout dans le portrait : de l’intérêt du dialogue du corps et de ce qui va au-delà du langage. C’est une sorte de lecture de l’autre. Réussir un portrait, c’est réussir à prendre en photo ce que le protagoniste souhaite faire transparaître et ce que l'on veut faire transparaître à travers l'image.

MPB: Comment réussir ce genre de photo ?

PV: Selon moi, le plus important, c’est de faire en sorte que le sujet se sente pris en main. Il faut réussir à saisir ce qu’il veut te montrer. Je laisse bouger et évoluer les personnes que je photographie dans leur espace mais tout en les dirigeant, c’est la subtilité.

MPB: Penses-tu à un portrait en particulier ?

PV: Sans aucun doute, Quentin Tarantino. C’était pendant le festival de Cannes. Je couvrais la photo d'un article pour le Monde. Il faut savoir se détacher de nos émotions dans des instants pareils surtout qu'au moment où tu croises Tarantino, il y a aussi Antonio Banderas, Pedro Almodovar ou un tas d’autres artistes dans les parages. De même qu'autour de nous, il y a les journalistes du Monde et surout, je n’ai que 5 minutes devant moi ! Pas le droit à l’erreur !

Quentin Tarantino au Festival de Cannes 2022, Paolo Verzone.

Quentin Tarantino, Festival de Cannes, Canon EOS R5, Paolo Verzone

MPB: Et comment s'y s'y prend-t-on lorsqu'il s'agit de faire le portrait de Tarantino ?

En général, je cherche à faire la meilleure photo de suite. Honnêtement, il n’y a que très peu de place pour l’erreur dans ces moments-là. Je lui indique où se placer, je le dirige (Quentin Tarantino). Je prends 4 ou 5 photos et la bonne doit se trouver parmi elles. Ce jour-là, j'ai décidé d'essayer quelque chose de nouveau car je voulais que cette photo soit une réussite. J'ai alors pensé à utiliser une lumière rouge. Le rouge puisque c'est la couleur de Tarantino. C’est son univers. Et je trouve que cela apporte vraiment quelque chose à l'image. Ça aurait pu être une erreur d'essayer de l'utiliser, mais c'était pire de ne pas essayer. Résultat, c'est un succès. J’adore cette photo.

MPB: Peux-tu nous parler un peu du matériel que tu utilises ?

PV: Depuis maintenant plusieurs années, je suis ambassadeur Canon et je change de kit selon le type de travail. Pour le portrait, j’utilise le Canon EOS R5 et j’essaie de limiter le zoom un maximum. Le fait d’avoir un objectif fixe m'oblige à bouger autour de la personne que je photographie. Pour le reportage, je choisis de prendre un boîtier étanche pour le sable. Pour les photos d'architecture, il me faut différents objectifs… Bref, cela dépend du type de projet , de l’endroit où je me rends ect...

Egypte, Paolo Verzone

Canon EOS R5, Paolo Verzone

MPB: Avant de te quitter, y-a t'il quelque chose que tu souhaites ajouter et partager ?

PV: Ne jamais oublier de s’amuser et de prendre des risques et sans oublier d'ajouter émotion et passion. Cela se ressent à travers l’image et si au-delà de la photo, on parvient à transmettre l’émotion, alors c'est gagné...

Merci Paolo, pour cet entretien. Découvrez-en plus sur le travail de Paolo en le suivant sur son compte instagram @paoloverzone. Et découvrez nos différentes rencontres avec d'autres photographes sur notre blog de contenu MPB.