Perspectives noir.e.s : Samia Rachel, photographe

Le Mois de l'histoire des noir.e.s qui commémore les personnes et les événements de la diaspora africaine, a pris de l'ampleur en Allemagne depuis les années 1990 - avec une attention particulière pour rendre plus visibles les histoires des personnes noires et la diversité des perspectives noires.  Nous avons eu la chance de rencontrer Nicole Benewaah, Samia Rachel et Lisa Marie Asubonteng qui nous ont parlé de leurs expériences en tant que photographes noires dans le secteur. Samia Rachel travaille à Berlin et à Hambourg en tant que photographe indépendante de nature morte et de beauté.

MPB : Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir photographe ?

SR : Quand j'étais adolescente, j'étais très intéressée par la musique, surtout par le rock. Quand j'ai commencé à m'intéresser aux groupes des années 70, je suis tombée sur les photos d'Annie Leibovitz. J'ai tout de suite adoré son travail et j'ai voulu faire exactement la même chose.

MPB : Quel équipement utilises-tu pour tes photos ?    

SR : Le Canon EOS 5D Mark IV avec l'objectif 1100mm f/2.8 L IS USM est mon setup préféré. J'aime aussi utiliser le Rollei ou le Mamiya RZ 67.

MPB : Que penses-tu de la représentation des femmes noires photographes dans l'industrie en ce moment ?

SR : Je pense qu'après Black Lives Matter, la demande de femmes photographes noires a augmenté, mais seule une poignée d'entre elles ont l'opportunité de travailler sur de gros projets.

MPB: Y a t'il un projet ou une série de photos dont tu es particulièrement fière, peux-tu nous dire pourquoi ?

SR : Je suis particulièrement fière d'avoir travaillé avec le Dr Natasha A. Kelly. C'est une figure emblématique de la communauté afro-allemande et je trouve important de faire le portrait d'une personne qui veut faire bouger les choses dans notre société et qui surtout, me fait confiance pour la photographier comme il se doit.

MPB : As-tu déjà vécu une situation où tu as dû t'affirmer en tant que femme noire ?

SR: J'ai la chance de travailler de plus en plus souvent avec des femmes sur le plateau. Mais il y a encore des situations où, en tant que femme, je dois me mettre davantage en valeur que mes homologues masculins.

MPB : Comment votre identité a-t-elle influencé votre expérience dans le secteur de la photographie ?

SR: Mon identité m'a certainement rendue plus alerte et plus sensible, en particulier lorsque je travaille avec des modèles noir.e.s. Le plateau est un espace sûr pour moi et je veux que tout le monde se sente en sécurité.

MPB : Peux-tu nous parler d'une expérience particulièrement difficile que tu as vécue en tant que femme noire photographe en Allemagne ?

SR : Pour moi, il n'y a pas nécessairement une expérience particulièrement difficile, mais plutôt une situation particulière qui, malheureusement, se répète encore lorsqu'il s'agit de la sélection de modèles de couleur. Souvent, les personnes de couleur n'arrivent pas du tout ou seulement au premier tour du processus de sélection pour un travail commercial. Je comprends parfaitement que nous vivons dans une société essentiellement blanche en Allemagne, mais je pense que nous ne devons pas oublier que nous avons également besoin d'être représentés, notamment dans la publicité. Et je trouve particulièrement difficile de gérer le fait que les décisions sont prises en ma présence.

MPB : Comment abordez-vous la photographie ? A quoi ressemble habituellement votre processus créatif ?

SR : En général, j'ai déjà une idée de base en tête, que je visualise ensuite dans un concept après des recherches et la compilation d'un mood board. Ensuite, je recherche les bons talents pour la réalisation. Dans mes projets personnels, j'essaie toujours de travailler avec des personnes de couleur afin de créer l'espace qui n'est souvent pas donné dans la vie quotidienne.

MPB : Quel rôle joue l'intersectionnalité dans ton expérience en tant que femme photographe noire ?

SR : Pour moi, le sujet joue un rôle important car la photo est encore considérée comme un secteur très masculin à mes yeux et mes collègues féminines font souvent l'objet de moins d'attention dans leur processus de travail. J'ai l'impression de devoir régulièrement refaire mes preuves en tant que photographe.

MPB : Penses-tu que le monde de la photographie puisse favoriser la diversité et l'inclusion des photographes noir.e.s et des autres groupes sous-représentés ?  

SR : Je pense que l'on devrait promouvoir davantage les groupes sous-représentés en leur offrant une plateforme pour s'exprimer et partager. Comme cette interview, je suis curieuse de voir combien de collègues vont se réunir maintenant et comment nous pouvons nous pousser les uns les autres.

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